Savoir prendre des points

Ce document vise à éclairer le lecteur sur le formalisme des épreuves françaises d'évaluation des élèves en mathématiques, notamment au baccalauréat.


Pour noter un candidat, pour classer des individus, l'institution à souvent recours à une épreuve formalisée (brevet , baccalauréat, concours d'entrée...).

Connaître ce formalisme peut permettre à l'élève, au candidat, de mieux comprendre ce qu'on attend de lui et donc être plus efficace. De façon caricaturale, on pourrait dire qu'un individu non français, où pour le moins étranger à notre système d'évaluation, obtiendrait, à niveau de compétences égal (si cela a un sens), des résultats inférieurs à un homologue au fait des pratiques nationales. On peut remarquer, en parcourant des études menées sur les résultats des enquêtes PISA, le fait que les élèves français s'abstiennent plus souvent de répondre, statistiquement, pour certains types de question. La peur de l'erreur, de la sanction, freine davantage nos élèves alors même que l'item proposé vise à valoriser la prise d'initiative. Ainsi les jeunes français perdent des points par manque de connaissance du système d'évaluation pour PISA. Étudions le formalisme les épreuves données en France lors des évaluations du diplôme national du brevet et du baccalauréat.


Généralités sur les épreuves.


Les épreuves ne visent pas à piéger le candidat, elles doivent lui permettre de montrer toute l'étendue de ses connaissances. Elles essaient d'aborder des thèmes distincts du programme pour permettre à chacun de s'engager dans une résolution. Toutes les parties du programme ne peuvent naturellement être abordées.

Les exercices donnés ont en général une finalité, qui peut d'ailleurs être indiquée dès le début et les questions s’enchaînent pour obtenir cette conclusion. Les résultats intermédiaires, qui sont indispensables pour la suite, sont souvent donnés par le biais de questions fermées du type « Montrer que l'on a ... » , ainsi les candidats doivent pouvoir poursuivre l'exercice même s'ils n'ont pas répondu à une question (enfin en général !). D'autre part la désignation des questions par des numéros et des lettres peut indiquer au candidat les unités de sens. Par exemple trois questions désignées par 1) 2) 3) ne se traitent pas de la même façon que trois questions désignées par 1)a), 1)b) 2). En effet les questions 1)a) et 1)b) peuvent porter sur le même sujet.

Enfin et surtout ces épreuves favorisent les élèves « sérieux », au sens de « travailleurs », par le fait que les exercices ont souvent un canevas qui ressemble à celui des exercices vus pendant l'année scolaire. Les questions sont ainsi parfois prévisibles.


Les mots-clefs de l'énoncé.


Pour reconnaître ce qu'on attend de lui le candidat peut repérer certains mots-clefs. Par exemple un exercice de Terminale qui contient l'énoncé « on tire au hasard... » indique au candidat qu'il doit utiliser une loi uniforme. De même, en analyse, la question "Montrer que l'équation f(x)=0 admet une unique solution"  doit immédiatement faire surgir à l'esprit du candidat l'utilisation du fameux TVI.  C'est en s'exerçant tout au long de l'année qu'on parvient à identifier ces mots-clefs et ainsi gagner à gagner du temps le jour J. L'élève « sérieux » les repère rapidement.


Un nouveau type de question


Peut-être sous l'influence de PISA, on voit apparaître dans les sujets, depuis 2009, des questions plus ouvertes, moins guidées. Pour le baccalauréat, ce type de question est très souvent signalé par la même remarque :

« Dans cette question, toute trace de recherche,même incomplète, ou d’initiative même non fructueuse sera prise en considération dans l’évaluation. ».

Pour le brevet, les formulations sont plus hétéroclites :

« Si le travail n’est pas terminé, laisser tout de même une trace de la recherche. Elle sera prise en compte dans la notation. » ou encore« L’évaluation de cette question tiendra compte des observations et étapes de recherche,même incomplètes ; les faire apparaître sur la copie. »

Cette indication signale que le « contrat didactique habituel » est rompu pour une question. Donner une réponse fausse, montrer que l'on s'engage dans une direction qui n'aboutira pas finalement n'est pas ici pénalisé, et peut-être valorisé. Ainsi l 'élève ne doit pas s'attendre à « retomber » sur une procédure connue, scolaire. Il s'agit ici, contrairement au contrat habituel, de trouver le résultat, quelle que soit la méthode (correcte!) employée. Ce type de question paraît plus « difficile » pour l'élève, dans le sens peu habituel, on ne retrouve pas une technique déjà vue, on ne voit pas ce que le concepteur attend comme méthode de résolution. En fait ce type de question vise à évaluer la capacité du candidat à proposer une démarche, à explorer une voie qui pourrait mener à une solution.

Pour prendre des points il s'agit donc ici de s'engager dans une voie, de mener des calculs sur sa copie même si ceux-ci n'aboutissent pas et d'indiquer, si l'on ne parvient pas à surmonter une difficulté technique, la démarche qu'on souhaiterait suivre.


Le barême


Nombre d'élèves (dont j'étais !) pensent que faire des questions difficiles (que les autres en majorité n'auront pas faites) permet d'engranger plus de points. Je pense désormais que cette idée est fausse et que le rapport « points pris/temps passé » est plus faible que pour des questions classiques.

Lors des réunions qui rassemblent chaque année et dans chaque académie les enseignants correcteurs (du baccalauréat ou du brevet) pour expliciter le barème, on constate qu'il est difficile d'attribuer à une seule question un nombre de points conséquent. Au baccalauréat en série S par exemple les exercices sont couramment notés sur 5 et comptent souvent plus d'une dizaine de questions. Sachant que l'on souhaite récompenser les élèves « sérieux » en payant les questions classiques et que chaque question doit au moins se voir attribuer 0,25 points (je n'ai jamais vu de barème plus fin), on comprend qu'il n'est pas aisé de payer chèrement les questions « difficiles ».

Je me souviens encore des paroles de mon professeur de spéciale, venu nous voir à la sortie du concours de Centrale, après que je lui ai dit ma satisfaction d'avoir fait la question demandant la rédaction d'un algorithme, sur laquelle j'avais passé près d'une heure :

« Ces questions là, mais il ne faut pas les faire ! ». Si j'avais su !


La rédaction fait-elle partie du barème ?


Rappelons le préambule de la plupart des sujets du baccalauréat : « La qualité de la rédaction, la clarté et la précision des raisonnements entreront pour une part importante dans l'appréciation des copies. »

Que signifie « une part importante » ? La rédaction n'entre pas explicitement dans le barème au baccalauréat, elle ne rapporte donc pas directement des points. Il est néanmoins courant de voir des correcteurs du baccalauréat arrondir la note, qui doit être un entier, suivant la qualité de la rédaction, voire rajouter plus d'un point pour une copie qu'ils estiment bien rédigée. Pour le brevet, 4 points sur 40 sont accordés à « qualité de la rédaction et présentation » et chaque correcteur est libre de répartir ces points comme il l'entend.

En revanche, les bonnes habitudes de rédaction permettent entre autres aux correcteurs de mieux cerner le candidat. Ceux-ci, devant fournir une proportion de bonnes notes « normales » (la répartition des notes devant être gaussienne non ?) cherchent à noter au plus juste, c'est-à-dire à récompenser les élèves « sérieux ». La qualité de la rédaction fait partie des indices les plus probants. En effet bien rédiger s'apprend tout au long de l'année et un candidat « non sérieux » ne peut pas produire une rédaction de qualité le jour de l'examen.

Prendre des points c'est donc aussi montrer au correcteur qu'on est un élève « sérieux », en rédigeant soigneusement sa copie.


Pour bien rédiger que doit-on justifier ?


Tout dépend du niveau auquel on se place (3e, Terminale, Licence, …). Certaines justifications entrent dans le barème et d'autres non. Parfois un argument donné à une question rapporte des points, alors dans une autre question il n'en rapporte pas. Par exemple, dans le programme de terminale scientifique, lors d'une question dans laquelle le candidat doit effectuer une intégration par partie, la justification de la dérivabilité et de l'existence des primitives des fonctions en question (souvent notées et ) ne font en général pas partie du barème (mais rappelons que ce sont des indices qui montrent au correcteur le sérieux de l'élève). Une seule question ne pouvant être notée sur un trop grand nombre de points, et le barème n'étant pas plus fin que 0,25 point, toutes les justifications ne peuvent rapporter systématiquement des points. Il faut remarquer qu'il ne doit pas être simple pour les concepteurs de sujets de rédiger des exercices qui ont un sens, qui suivent une progression claire et qui à la fois se découpent en questions pour lesquelles il est aisé de fixer un barème !

Pour bien rédiger et donc entrer dans l'estime de son correcteur il s'agit ici d'évaluer ce qui doit être justifié. Pour cela on peut consulter les corrections qui sont données par les enseignants tout au long de l'année. Globalement je dis à mes élèves que si la question fait appel à un théorème vu durant l'année en cours, il est nécessaire de le citer et d'autre part il n'est pas conseillé de répondre sèchement à une question par un « oui » ou un « non », même si celle-ci est du ressort d'un élève de 3e (il peut s'agir d'une question intermédiaire dans l'exercice qui ne vise pas à évaluer une connaissance ou compétence mais qui permet de donner un résultat pour guider le candidat dans la suite de la résolution).


Le correcteur est un être humain !


Il faut aussi penser à faciliter la tâche du correcteur (il a sûrement un bon paquet de copies à corriger !). Il me paraît important de faire ressortir le résultat, il rapporte des points ! Sans faire nécessairement un encadrement à la règle et à la l'équerre on peut mettre valeur ce que l'on a obtenu au final. De plus cela donne une vision globale de la copie au correcteur, un encadré indique que l'on passe à la question suivante.

D'autre part le correcteur cherche les justifications, les arguments qui doivent être donnés pour chaque question. Généralement il n'y a guère plus d'un ou deux arguments par question. Il s'agit de ne pas les noyer dans un texte confus, le correcteur a besoin de clarté pour donner des points.

Certains indices peuvent au contraire donner au correcteur une mauvaise image du candidat. Par exemple un calcul contenant des erreurs mais dont le résultat final est correct. (calculatrice) aura tendance à agacer la plupart des correcteurs. Une erreur de calcul n'est pas une faute grave, mais une tricherie caractérisée l'est !


Prendre des points, c'est penser à faciliter la tâche de l'être humain qui corrige votre copie.


Au final les élèves et candidats « scolaires », qui essaient de faire au mieux le travail qui leur est demandé et qui prennent en considération les consignes données par les enseignants durant l'année savent prendre des points. Il sont modelés par le système et se sont adaptés à ses exigences. Prendre conscience de ces quelques subtilités peut permettre à un candidat à un concours de glaner un ou deux points et donc peut-être beaucoup de places dans le classement !

Mais rappelons l'essentiel, comprendre des concepts, des façons de réfléchir nous rend plus libre, libre de percevoir le fonctionnement des systèmes qui nous entourent, libre de prendre des décisions plus éclairées et rien ne vaut la liberté !



Réflexions sur les concours.



« le barème est masculin » !

C'est la conclusion surprenante que j'avais retenue d'une étude paru en 2000 je crois. Le constat, qui est d'ailleurs peut-être encore d'actualité, était que l'on ne retrouvait pas la même proportion filles/garçons sur la liste des inscrits et sur la liste des admis aux concours des écoles normales supérieures.

Une des raisons invoquées était que les filles passaient statistiquement plus de temps sur les questions 'difficiles' et que ces questions n'étaient pas notées proportionnellement à leur difficulté (si cette notion a un sens). Ainsi le rapport (temps passé)/(points gagnés) leur aurait été défavorable !


« Savoir sauter des questions »

On peut penser qu'il faut apprendre à sauter des questions, des questions « difficiles ». C'est en parcourant les sujets des années précédentes que l'on peut se rendre compte du niveau global demandé et ainsi détecter plus facilement les niveaux de difficulté des différentes questions. Alors, suivant ses compétences propres, on peut essayer d'estimer la rentabilité de la question, c'est à dire le rapport (temps passé)/(points gagnés). Cet automatisme propre à chacun doit s’acquérir tout au long de la préparation en faisant régulièrement des sujets de concours. Il faut donc savoir sauter des questions, sans pour autant perdre le sens du problème.


« Être bon joueur. »

On me demande de montrer ce que je sais. Il s'agit de répondre aux questions simplement. Par exemple on peut demander un résultat dans une question, alors que dans une autre question ce résultat peut être considéré comme évident et on peut le citer dans la résolution sans le démontrer. Là encore c'est l’entraînement qui doit permettre d'acquérir les bonnes habitudes.


« Utiliser les données de l'énoncé » :

On peut penser que toutes les hypothèses supplémentaires données dans les questions doivent être utilisées, c'est le contrat ! Si, dans une question, l'énoncé donne des hypothèses supplémentaires, c'est que la résolution doit faire appel à ces informations, dans un concours on ne trouvera pas la fameuse question de « l'âge du capitaine ».

On peut même penser que lorsque l'énoncé rappelle des résultats qui semblent évidents, c'est que les questions qui suivent font faire appel à ses résultats !